Auberge de La Fosse Arthour

 

Auberge de La Fosse Arthour

Un dimanche de septembre

La Fosse Arthour
Le Lac de La Fosse Arthour

En ce dimanche de fin septembre la météo se prêtait tout à loisir à une promenade dominicale, la petite famille décida donc d’aller faire un tour, pour s’aérer, du côté de Saint-Georges-de-Rouelley, plus précisément à la Fosse Arthour lieu de promenade idéal s’il en est.

Au détour d’une route de campagne, s’engageant dans une voie sans issue, bien connu de Monsieur pour y avoir, en d’autres temps, effectué la distribution du courrier, mais aussi destination de balades bucoliques au printemps et en été, ramassage de châtaignes en automne, simple promenade du dimanche en hivers, que ce fût autour de l’étang ou le long de la rivière, traversant sous-bois et chemin torturé, il n’en fallait pas plus pour que notre petite famille succombe à ce lieu pour célébrer l’anniversaire de ce jour où, il y a déjà 20 ans, Madame et Monsieur se dirent oui.

Certes ce ne serait pas un anniversaire en grandes pompes, mais pour la petite famille le bonheur ne se résume pas au montant que peut lâcher la CB, se retrouver tous les trois dans un lieu paisible, en harmonie avec la sérénité de cette belle campagne normande, suffisait à combler cette idée du bonheur qu’ils partageant depuis ces deux dernières décennies.

Monsieur s’était bien gardé de dévoiler à Madame qu’il avait réservé à l’Auberge de La Fosse Arthour tout récemment reprise par une enfant du pays après un bien triste abandon de plus de 5 ans.

L’Histoire de l’Auberge

Monsieur avait connu cette Auberge du temps des anciens propriétaires, qui la tinrent durant près de 40 ans, puis l’auberge vendu, les acheteurs avaient abandonné celle-ci, reprise un temps pas les précédents propriétaires qui tentèrent de la faire revivre et retrouver ses années flamboyantes, mais quand on a passé sa vie derrière et le comptoir, le bar et les fourneaux, on aspire à une retraite bien méritée. L’Auberge fût à nouveau revendue, hélas, une fois de plus elle fût abandonnée, triste destin que cet établissement. Situé en un endroit qui pousse à la promenade, à l’apaisement, elle serait donc à jamais vouée à terminer sa vie en une bâtisse sans avenir ?

Une enfant de la commune en décida autrement, elle redonna vie à cette vielle dame, après les travaux, le confinement, enfin, l’Auberge de La Fosse Arthour revit.

Et c’est donc en ce lieu qui tel le phénix renaissant de ces cendres, que Monsieur avait décidé d’allier un anniversaire précieux à son cœur avec cette auberge qui malgré les capitulations était toujours debout.

Premier contact

 

La voiture garée, la petite famille s’engage en direction de l’auberge. C’est une bâtisse qui ressemble à une habitation, en pierre, elle semble donner l’impression que l’on se rend chez des amis, elle ne reflète pas le

 caractère pompeux de certains établissements. Au-dessus de l’entrée, comme un balcon où trône « AUBERGE DE LA FOSSE ARTHOUR ». Passage au flacon de gel hydroalcoolique, masque en bonne position, COVID oblige, la petite famille est accueillie par la maitresse des lieux.

  • Bonjour
  • Bonjour, j’ai réservé,
  • Oui, je vous accompagne

Passé l’entrée, on fait face au bar, sur la droite, les cuisines, à gauche, la salle, les tables sont assez éloignées les unes des autres comme c’est la règle en cette période difficile. La salle est claire, rafraichissante, les tons clairs dominent, une sensation de légèreté se dégage du décor, tout en laissant poindre les signes de la rusticité des lieux. Il y règne une atmosphère de calme et de fraicheur. Sur la droite, de grandes baies vitrées, donnent sur une terrasse et la rivière tout en invitant la lumière à inonder la salle.

 

 

La Carte

 

Notre guide, qui nous précède, ne manque pas d’attirer notre attention sur une marche quasi invisible qu’il serait dommage de louper, puis nous suggère la table qui sera la nôtre pour une partie de cette journée.

L’attente ne sera que de courte durée avant que nous soit remis la carte. Nous commandons un apéritif, la journée étant presque exceptionnelle, nous débuterons par un whisky, Clan Campbell pour ne pas le nommer, le fiston optera, comme à son habitude pour un jus d’orange, sans bulle et sans pulpe.

Menus en main, nous argumentons, entre nous, à l’énumération des entrées, des plats, des desserts, riche sans être surchargée, la carte annonce une cuisine de type bistro. Composée de quatre entrées, six plats et quatre desserts, la carte est bien pourvue.

Trois menus s’unissent à la carte afin de procurer aux indécis une suggestion de choix qu’ils ne sauraient pas faire.

Aux entrées, le carpaccio de saumon aux copeaux de parmesan jalouse le caviar d’aubergine aux herbes fraîches, crème de balsamique. Le foie gras de canard mi-cuit nargue sans retenue la rosace de tomates anciennes qui appelle aux souvenirs du soleil du sud par son huile d’olive parfumée, pistou et mozzarella di-buffala.

Aux plats, nous avons ces demoiselles les queues de crevettes thaïes au curry avec leur riz noir qui concoure face au tronçon de lotte rôtie, compotée de piquillos et poivrons rouges, jus de poisson au pistil de safran, également accompagné d’un riz noir. Le pavé de filet de bœuf sauce du moment brave sans retenue, avec ses frites maison, le filet de canard rôti et sa réduction d’orange parfumée à la vanille escorté par sa mousseline de patates douces.

Les desserts se déclinent en quatre parfums, la vanille, le chocolat, le citron yuzu et la fraise. La vanille se voit représentée par une crème brûlée au sucre cassonade, le chocolat par un mi-cuit au chocolat noir, cœur coulant, coulis de fruits et sa boule de sorbet, le citron yuzu se traduira par un biscuit aux zestes de citron et au miel, mini meringues, coulis de fruits rouges et sa boule de sorbet mangue et enfin La fraise nous conviera à déguster un tartare de fraise, crumble aux amandes, coulis de fraises, chantilly et sucre pétillant.

Les menus s’agrémentent de quelques autres mets non moins appétissants : Filet de Saint Pierre, réduction de jus d’orange au romarin et vanille, Noisette d’agneau en croûte d’herbe, jus au thym et romarin, fricassée de champignons et mousseline de pommes de terre à l’ail, Effiloché d’aile de raie, sauce aux blancs de poireaux, Pavé de lieu jaune, riz noir vénéré, sauce aux blancs de poireaux, Crémeux de champignons, œuf mollet, jambon fumé, copeaux de parmesan et jeunes pousses, Tataki de thon albacore au saté, jeunes pousses du moment et légumes croquants, Dos de merlu, sauce à l’oseille, riz pilaf, Suprême de volaille sauce forestière, Joue de bœuf confite au vin rouge, écrasé de pommes de terre, Risotto aux crevettes et au chorizo, copeaux de parmesan, Fricassée d’escargots et de champignons au beurre persillé à l’ail, crème de camembert au pommeau.

Le Choix

 

Il et cornélien, à la lecture de la carte nous salivons de gourmandise, pas une entrée, pas un plat, pas un dessert ne saurait s’opposer à notre envie de le dévorer. Certes ils aient bien quelques mets qui ne corresponds pas dans l’exactitude à nos goûts, mais pour autant ils nous attirent, nous laissent pressentir le ravissement de nos papilles.

Les minutes s’écoulent, il nous faut nous décider, le choix, bien que difficile, est finalement arrêté.

Pour Madame et le fiston ce sera Foie gras de canard mi-cuit, jeunes pousses du moment en vinaigrette de mangue à la coriandre et son petit pain au lait tiède, pour monsieur Carpaccio de saumon, marinade huile d’olive et jus de citron, copeaux de parmesan.

Les plats seront ainsi répartis, madame optera pour Filet de canard rôti, réduction d’orange parfumée à la gousse de vanille et romarin, mousseline de patate douce, le jeune homme jettera son dévolu sur un Pavé de faux-filet de bœuf, sauce du moment et frites maison quant à monsieur il poursuivra son excursion maritime avec des Queues de crevettes thaï au curry, curcuma, citronnelle, gingembre, coriandre, piments, sauce soja et riz noir vénéré.

La chose sucrée s’attardera à un mi-cuit au chocolat noir, cœur coulant, coulis de fruits et sa boule de sorbet pour madame et le fiston, monsieur fera trembler son palais avec un biscuit aux zestes de citron et au miel, mini meringues, coulis de fruits rouges et sa boule de sorbet mangue.

Il ne saurait y avoir de bon repas sans un bon vin, un Cabernet d’Anjou sera à même de nous escorter tout au long de notre périple gustatif.

Dégustons, dégustons, dégustons

 

Une jeune serveuse, que la maîtresse des lieux nous avait présenté en nous installant, vint prendre notre commande. Sans la moindre hésitation elle répondit à chacune de nos questions. La prise de commande effectuée, je me levais et me dirigeai vers le bar où se tenait, peut-être le patron mais aussi la patronne qui nous avait accueilli. Je lui demandai si nous pouvions prendre en photos nos plats. Je pense que c’est la moindre des choses que de demander au propriétaire des lieux si le fait de prendre en photos nos plats ne le dérange pas, c’est une marque de respect envers le travail effectué. Elle me répond par l’affirmative, je retourne donc rejoindre notre table. Les entrées arrivèrent.

Je ne saurais traduire les sensations de madame et du fiston pour ce qui est de leur plat respectif, je vais donc m’attarder sur les miens. Cependant, il est un point que je suis en mesure d’exprimer ici, c’est la vision des plats mais aussi, pour certain, l’odeur qui en émane.

Le foie gras se présente en un disque posé sur la tranche, de bonne épaisseur, sa couleur exprime avec justesse la qualité du produit mais aussi la précision de la cuisson, un petit pain bien dodu étale sa fierté d’accompagner le foie-gras, des copeaux de mangue confits délicatement posés au côté du petit pain, se couvre à peine d’une jeune pousse de verdure. Pour ma part, ayant jeté mon dévolu sur un Carpaccio de saumon, je dévorais du regard mon assiette, les fines tranches de saumon masquaient le fond de celle-ci, des copeaux de parmesan translucides masquaient avec subtilité le rose du noble poisson, sans pour autant en dissimuler l’entièreté. Doucement je glissais ma fourchette sous une portion de saumon, ramena avec mon couteau un ou deux copeaux de parmesan et portait le tout en bouche. Dès le premier contact avec mon palais, je senti les sucs l’envahirent, je ressentais le fumé du poisson, ce petit goût boisé, l’acidité du citron qui se laissait adoucir par le filet d’huile d’olive, enfin la rusticité du parmesan. J’étais comblé. Le saumon fondait quand le parmesan apportait une infime sensation de fermeté.

Le silence à notre table était pesant, la dégustation était à son apogée. Les mots ne serviraient à rien, il fallait laisser les sensations gustatives s’exprimer.

Les hors d’œuvre devinrent qu’un souvenir, mais quel souvenir. L’estomac avait été invité à se délecter de ce qu’on lui offrait, il était donc nécessaire de poursuivre dans cette démarche. Vint alors le temps des plats dit de résistance. Le fiston reçu avec des yeux brillants son Pavé de faux-filet de bœuf et frites maison, la sauce du moment enrobait de sa couleur brune et brillante, la pièce de viande qui se dessinait en une forme cylindrique presque parfaite dont l’épaisseur aurait fait saliver le moindre carnassier. Les frites s’enchevêtraient dans un chaos invitant à la gourmandise. Elles semblaient à la fois légères et pleines. La furtivité avec laquelle le plat disparut, me laisse à croire que ce fût un régal pour le jeune homme.

Madame, qui avait opté pour un Filet de canard rôti, contempla son assiette comme un bijoux que l’on ose toucher. Quelques tranches de magret rangés en éventail, musardaient sur un lit de mousseline de patate douce dont la couleur orangée ensoleillait le plat. Le rosé du magret me faisait saliver d’envie, je me devais de retenir mon appétence. Les assiettes étaient bien garnies, il serait peu probable que l’on ressortirait du restaurant avec la faim qui nous tenaillerait.

Pour ma part, j’avais jeté mon dévolu sur des Queues de crevettes thaï au curry avec un riz noir. On m’apporta un petit plat rectangulaire sur lequel se tenaient deux bols, l’un où la couleur orange presque jaune dominait, l’autre ou un noir profond comme de l’encre contrastait avec son homologue. Dès que ma commande fut posée devant moi, je pu percevoir le fumet des crevettes fusionnant avec les épices telle une danse à la sensualité presque gênante. Le riz noir, seul dans son bol, surveillait cette débauche d’effluves avec la ferme intention de se rattraper sur le goût. Je me mis donc en œuvre pour déguster ce plat qui n’aurait toléré la moindre attente de se faire dévorer. La cuillère plongea dans le bol de crevette, j’en sorti une crevette qui avait presque la taille d’un palet breton, la sauce lustrait cette dernière. Sitôt la cuillère en bouche, ce fût un feu d’artifice de saveur, curry, coriandre, gingembre, citronnelle, piment, soja, chacun usait des coudes pour dominer l’explosion, tour à tour chaque épice dépassait les autres puis laissait sa place à l’une de ses congénères en une ronde folle. Le croquant de la crevette me rappela à la délicatesse de ce petit crustacé, encore que petit ne fusse pas le terme approprié pour celle-ci et ses sœurs, qui toutes ignoraient, semble-t-il, ce que signifiait le terme de régime, j’avoue avoir pensée qu’elles étaient à la limité de l’obésité tant elles étaient grosses. Je ne devais pas laisser le riz noir dans son coin et en dégusta dans la foulée deux fourchettes bien remplies, il était à la hauteur du reste du plat, cuisson parfaite, à la fois ferme, mais non cassant, saveur subtile mais pas envahissante. Sans mot dire, je pris le temps nécessaire pour ne laisser aucune chance à mon plat de s’en sortir, il se devait d’être honorer en n’en laissant aucune miette, ce qui fût fait.

Puis vint l’instant sucré. Pour madame et le fiston qui avaient préféré le mi-cuit au chocolat noir, ils obtinrent une assiette composée de la sorte, un gâteau tout rond de couleur brune accentuée, qu’accompagnait une belle boule toute ronde de sorbet orange, de la mangue sans nul doute, au centre de l’assiette séparant telle une frontière les deux éléments principaux, quelques gouttes savamment disposées de coulis rouge. Léger mais pas pingre, le dessert appelait à être déguster sans retenue. Ayant opté pour un citron yuzu, je reçu mon assiette comme un décor floral. En effet, mon dessert ressemblait à une fleur, dans le fond le biscuit, moulé à la poche, surmonté d’une boule de sorbet, tout autour du biscuit, comme en équilibre, cinq meringues à égale distance les unes des autres à la blancheur immaculée. Pour achever le tableau, trois immenses virgules de coulis cerclaient le délice. Je ne pus retenir mon désir de briser l’équilibre de mon dessert et c’est donc sans hésitation que je plantai ma cuillère dans la boule de sorbet, ramassa au passage un morceau du biscuit pour finir par kidnapper une des petites meringues. La douceur et la fraicheur du sorbet contrastait avec la très légère acidité du biscuit au citron et miel, la meringue éclata en d’innombrable morceaux se mélangeant aux autres éléments du dessert créant ainsi le croquant qui manquait.

Chacun avait à cœur de s’occuper de son dessert, de temps à autre un regard furtif sur celui de son voisin, valait-il la peine de jalouser ce qu’avait l’autre ? je ne le crois pas.

Nous achevâmes notre festin par un café escorté d’un digestif pomme-vanille pour madame et pomme-caramel pour monsieur.

Allons digérer

Étant repu, nous décidâmes de faciliter notre digestion par une promenade autour du lac situé un peu plus haut. C’est donc d’un pas tranquille mais alerte, la pense bien remplit, que nous partîmes pour cette petite promenade d’une heure environ, satisfait et heureux d’avoir eu cet honneur de redécouvrir cette auberge qui, nous l’espérons, vivra encore longtemps pour satisfaire les gastronomes qu’ils fussent experts ou non.

Et c’est ainsi que la petite famille termina ce dimanche si particulier, où seul le bonheur d’un bon repas, accompagné d’une promenade champêtre toute simple suffisaient à emplir leur cœur de ces petites choses toute simple qui font l’essence de la vie.


Le Podcast : Auberge de La Fosse Arthour